1 000 - 1 200 €
[CHAÎNE]. Lettre signée par
Couturier, "Capitaine des Chaînes", 18 août 1784. Cahier de 6 pages et
demie in-fol. lié d'un ruban bleu. Rapport détaillé du transport de
prisonniers de Bicêtre à Dunkerque, pour être déportés à l'île de
Ceylan. Il s'est rendu le 3 août "à Bicestre où j'ai fait enchaîner par
un poignet et par une jambe les 116 prisonniers destinés pour la légion
de Luxembourg, à l'effet de les conduire à Dunkerque. Ces prisonniers
ont beaucoup murmuré de cette opération (...) alors je les fis joindre
22 et 24 ensemble pour former cinq bandes, c'est-àdire une pour chaque
voiture avec un cordon de chaîne où répondroient celles qu'ils avoient à
la jambe et au poignet, après ce travail, à 4 heures du matin, ils
descendirent de la salle où ils avoient couché, dans la cour, là ils
dirent qu'ils ne monteroient point en charrette si on ne leur donnoit un
coup d'eau de vie que je crus devoir leur accorder"... Malgré cela, il a
fallu pérorer encore deux heures et demie pour les décider à monter
dans les voitures... À la Villette, où ils s'arrêtèrent pour faire
rafraîchir les chevaux, les enchaînés firent "beaucoup de tapage,
invectivèrent les gardes en leur jettant le pain qu'on leur avoit donné à
Bicestre ainsi que le fromage et le vin que je venois de leur faire
distribuer, et annoncèrent le projet d'une révolte"... Il raconte les
troubles lors du ravitaillement à Louvres, son recours réitéré à la
maréchaussée, les menaces de part et d'autre, le projet assassin qu'il
apprit en soudoyant plusieurs d'entre eux... Leur route les mena de
Senlis à Pont-Sainte-Maxence, Estrées-Saint-Denis, Cuvillers, Roye,
Marchélepot, Péronne, Fins, Cambrai, Lille, Armentières, Bailleul,
Cassel. À l'approche de Dunkerque, il reçut du commandant de la ville un
double détachement de troupes commandées par un officier: "je plaçai le
tout autour des voitures; mes prisonniers virent avec peine que tous
leurs projets devenoient sans effet, ils m'appellerent et me dirent: que
toute la bande qui les composoit etoient les plus fins des hommes, mais
que je l'avois été plus qu'eux (...), qu'ils s'etoient juré entr'eux
qu'aucun n'iroit à Dunkerque, ou qu'ils se feroient plutôt tuer l'un
après l'autre, que sy j'eusse pris ce parti de rigueur qu'ils nous
auroient tous massacrés à commencer par moy"... Le 13, il déposa tous
les 116 à la prison de la Conciergerie: "ils vomirent mille horreurs et
autant d'injures. Je partis de Dunkerque (...) avec la satisfaction de
savoir qu'une garde plus que suffisante les conduiroient vers les 5
heures après midy dans un vaisseau qui les attendoit au port pour passer
tout de suite à Flesseing et de là qu'ils s'embarqueroient pour aller à
l'isle de Ceylan"...
CHOQUET DE LINDU (Antoine)
2 000 - 3 000 €
Description du bagne, pour
loger à terre, les galériens ou forçats de l'Arsenal de Brest. Relié à
la suite: - Description des trois formes du port de Brest. Brest,
Imprimerie de Romain Malassis, 1759-1757. 2 ouvrages en un volume grand
in-folio de 4, (3) pp. entièrement gravées ("Renvoi des plans et
profils"); 10, (5) pp. et 12 planches: demi-veau brun, pièce de titre de
maroquin havane (reliure moderne). Édition originale; peu commune
complète. La réunion des deux ouvrages renferme 12 grandes planches
repliées hors textes, ainsi que trois vues gravées.Le bagne de Brest par
son concepteur. Marin et ingénieur brestois, Choquet de Lindu
(1712-1790) oeuvra pendant quarante ans à Brest où il édifia des cales
de construction, les bassins de Pontaniou, un hôpital et le bagne.
Démoli en 1947, il ne reste rien du magnifique bâtiment qui se
développait sur 260 mètres et deux étages, doté d'installations
sanitaires remarquables. Les dortoirs, inspirés de ceux des galères,
abritaient la nuit les forçats dont les chaînes étaient assujetties au
pied de leur banc avec une tringle en fer. "Le seul et véritable point
noir du bagne de Brest fut son surpeuplement. Prévu à l'origine pour
2000 hommes, il en compta près de 4000 sous le Premier Empire" (Petit,
Histoire des galères, bagnes et prisons, 1991, pp. 219-221.- Polak,
Bibliographie maritime française, n° 1732.) Quelques planches
renmargées.
Décret de l'Assemblée
nationale, des 16, 19 et 21 août 1790. Code pénal pour être exécuté sur
les vaisseaux, escadres et armées navales, et dans les ports et
arsenaux. Paris, Baudouin, [1790]. On joint: Rapport sur les peines à
infliger dans l'armée navale, et dans les ports fait au nom du Comité de
la Marine, dans la Séance du 16 août 1790. Paris, de l'Imprimerie
nationale, 1790. Ensemble 2 plaquettes in-8, veau rouge souple, pièce de
titre de veau taupe bordée de revorim sur le plat supérieur, non
rognées, chemises-étuis (Jean de Gonet). Rares éditions originales. La
cale ou la bouline ? Le nouveau code pénal maritime, suivi comme il
convient du Rapport sur les peines à infliger, passe pour être plus
clément au chapitre des peines, sous l'influence de Nompère de Champagny
qui fut un des premiers à se joindre au tiers état. Il n'en est rien
puisque subsistent les "fers avec chaîne traînante", les terribles trois
jours à cheval sur une barre de cabestan, la bouline (le condamné,
mains liées, passe entre deux haies de matelots qui le frappent d'un
coup de corde) et le supplice de la cale, où le coupable, attaché à un
cordage, est précipité à la mer depuis la grande vergue, à une ou
plusieurs reprises. Le code ne dit rien de la "grande cale", quand le
mutin attaché est jeté par dessus bord pour être remonté par l'autre
bord du navire. Ces châtiments ne seront supprimés qu'en 1848. En
réaction contre les institutions de l'Ancien Régime, le code mit le feu
aux poudres. Il déclenchat notamment la mutinerie des équipages de
l'escadre de Brest (1790-1791), encouragée par la municipalité jacobine
et aggravée par l'émigration en masse des officiers. On a pu dire que la
destruction de la Marine française est l'oeuvre de la Révolution.
Exemplaire finement relié par Jean de Gonet.
150 - 200 €
[BAGNE]. Le Forçat, ou vingt
ans de galères, contenant la vie et les aventures des plus célèbres
voleurs qui ont été condamnés aux fers, et des détails curieux sur les
bagnes de Rochefort, Toulon, Brest et Lorient. Paris, Delarue,
Chassaignon, Breton, 1830. In-8, demi-chagrin noir, dos à nerfs, non
rogné (reliure vers 1880). Édition originale. Elle est ornée d'une
planche lithographiée dépliante hors texte, coloriée et gommée,
représentant une exécution publique. Mémoires d'un délinquant repenti
relatant ses "égarements et leurs funestes résultats pour l'instruction
de ses semblables, et pour préserver de la contagion cette classe trop
nombreuse de jeunes gens qui, livrés à eux-mêmes, s'abandonnent à leurs
passions et ne connaissent aucun frein". Plaisant exemplaire, non rogné.
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